- 11 juin 2018
- Point bourse
Point Bourse Hebdomadaire du 11 juin 2018 : Nous adaptons notre stratégie
Les changements significatifs des tendances macroéconomiques qui sont intervenus depuis le début de l’année d’une part et le comportement des marchés d’autre part nous conduisent cette semaine à modifier sensiblement nos thèmes d’investissement pour les adapter à cet environnement changeant.
Le premier semestre est à ce jour médiocre sans être négatif pour autant. Le second pourrait être plus sympathique, mais sans doute avec d’autres moteurs de performance que ceux sur lesquels nous comptions en janvier 2018. Nous avons donc construit une allocation stratégique qui devrait nous permettre de bénéficier des tendances qui émergent sur les marchés. |
La croissance économique de l’Eurozone se replie à un plus bas de 18 mois en mai. Si l’expansion reste relativement soutenue, le ralentissement observé depuis le début de l’année et l’affaiblissement parallèle de la hausse des nouvelles affaires indiquent une dégradation des perspectives économiques de la région par rapport à celles du 1er trimestre.
L’Indice PMI Final Markit PMI Composite se replie à 54,1 en mai vs 55,1 en avril. Il signifie cependant une expansion pour le 59ème mois consécutif mais se situe à son plus faible niveau depuis novembre 2016. Parallèlement l’indice final IHS Markit Composite pour la France se replie de 56,9 en avril à 54,2 en mai.
Seul pays parmi les 4 premières économies de l’Eurozone à enregistrer une accélération de la croissance au cours du mois, l’Espagne prend la tête du classement des pays en mai. L’expansion ralentit en France (plus bas de 16 mois) et en Allemagne (plus bas de 20 mois). L’Italie quant à elle se maintient en queue de peloton pour le 5ème mois consécutif.
Le volume des nouvelles affaires enregistre également sa plus faible hausse depuis 17 mois, l’expansion ralentissant dans les 4 principales économies de la région. Toutefois, témoignant d’une capacité toujours insuffisante, le volume du travail en cours s’accumule en mai, prolongeant la tendance amorcée en janvier 2015 mais le taux d’accumulation se situe à son plus faible niveau depuis janvier 2017.
L’emploi progresse pour le 43ème mois consécutif. Le taux de création de postes fléchit toutefois à son plus bas niveau depuis août 2017, l’accélération de la hausse des effectifs en Espagne étant largement compensée par le ralentissement des créations d’emplois en Allemagne (plus bas de 17 mois), en France (plus bas de 8 mois) et en Italie.
Le ralentissement simultané des croissances de l’activité, des nouvelles affaires, du travail en cours et de l’emploi dénote un affaiblissement des perspectives économiques dans la région par rapport à celles enregistrées au 1er trimestre. Les données PMI sur la confiance des entreprises signalent en effet le plus faible degré d’optimisme depuis 18 mois.
Chris Williamson, chef économiste d’IHS Markit, commente :
« L’Eurozone enregistre sa plus faible croissance économique depuis un an et demi en mai, le taux d’expansion s’étant replié de façon continue depuis le pic atteint en janvier. La région devrait ainsi enregistrer sur l’ensemble du T2 ses plus faibles performances économiques depuis 2016.
Les données de l’enquête sont pour l’heure conformes à une hausse trimestrielle du PIB de 0,4 à 0,5% mais l’évolution du taux de croissance dans les mois à venir demeure très incertaine. »
La 3ème et dernière estimation du PIB de l’Eurozone pour le T1 vient d’être publiée. Elle confirme une croissance trimestrielle de 0,4% après trois trimestres à 0,7%. Sur un an la croissance passe de 2,8% à 2,5%. Dans le détail, le point le plus négatif au T1 concerne les exportations, en recul de 0,4%, ceci permet d’espérer une reprise progressive les trimestres suivants compte tenu du renforcement du $ depuis mars. Si la demande domestique est bonne, les dépenses publiques et l’investissement ralentissent aussi.
Aux États-Unis la dynamique de croissance continue de s’améliorer selon les derniers indicateurs d’activité (les indices ISM de mai sont ressortis en très nette hausse et continuent à battre des records). Cette dynamique est amenée à se poursuivre malgré la mise en place de barrières tarifaires et le risque d’émergence d’un conflit commercial plus intense. Le pays bénéficie de la montée en puissance de la réforme fiscale et de la hausse des dépenses publiques. Ceci favorise la consommation et les investissements. Malgré une légère baisse au cours du dernier trimestre, la confiance des dirigeants d’entreprise est sur des sommets et plaide pour une poursuite de cette tendance.
C’est ce que nous dit Bruno Cavalier (Oddo) lorsqu’il analyse le rapport Jolts (Jobs Openings). Celui-ci indique un nouveau record des ouvertures de postes, à 6,7 millions en avril, soit plus que le nombre de chômeurs à cette même date (6,4 millions). L’appariement entre les postes offerts et les demandes n’est jamais parfait, c’est pourquoi il y a des offres non satisfaites. Il est exceptionnel que l’écart soit si faible et surtout négatif. Depuis 2001 que la série Jobs Openings existe, c’est la première fois que le ratio chômeurs/ postes vacants est aussi bas. Un économiste de la Fed a reconstruit une série de postes vacants remontant à 1951, il en ressort qu’une tension si nette sur le marché du travail est inédite depuis 1953 et 1969.
C’est aussi ce que nous dit Mickey Levy (Berenberg) dans son analyse du rapport de la Fed US Financial Accounts (Flow of Funds). La richesse des ménages américains a progressé de 1 000 milliards $ au T1, le 10ème trimestre de progression, et ceci en dépit du recul des indices actions qui a causé un recul de 323 milliards$ de leur épargne financière. Si cette progression de 1 000 milliards est la plus faible depuis le T2 2016, elle est de 6 600 milliards$ sur un an avec une hausse des actifs de 7 200 milliards$ et des dettes de 500 milliards$. Ceci va continuer à soutenir la consommation, les marchés financiers ont rebondi au T2 et la hausse des prix de l’immobilier résidentiel réaccélère devant la pénurie de logements disponibles.
Nous ne pensons pas que nous soyons arrivé au stade final de ce cycle économique, aucun des excès caractéristiques d’une fin de cycle ne se manifeste, que ce soit sur le crédit, la production, l’inflation ou l’investissement. Nous ne voyons aucune raison d’attendre une récession à un horizon proche.
Cependant 2018 diffère de 2017. L’an dernier, au fil des mois l’environnement politique a rassuré : élections aux Pays-Bas, puis en France et en Allemagne en septembre. Et après sa prise de fonction le président Trump n’a pas suivi la rhétorique qui avait été la sienne au cours de sa campagne électorale. Aujourd’hui nous avons à faire face à la remise en cause des accords commerciaux internationaux, à la décision de Mr Trump de retirer les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et à l’élection d’une majorité et d’un gouvernement populiste en Italie : le risque est de retour dans l’agenda des investisseurs. Selon nos analyses, il s’agit d’une pause, d’une perte de momentum et non d’un ralentissement plus substantiel car les conditions monétaires restent accommodantes et les politiques budgétaires et fiscales s’assouplissent et deviennent stimulantes.
Nous devons prendre en compte ces changements de notre environnement d’investisseurs.
Du côté négatif :
– La croissance en Eurozone ralentit,
– Le président américain a lancé une offensive sur les échanges commerciaux en s’affranchissant des règles du commerce international,
– Les résultats des élections et le nouveau gouvernement italien suscitent interrogations et inquiétudes,
– La hausse du prix du pétrole accroît les coûts de production et freine la consommation des ménages.
Du côté positif :
– La croissance en Chine et aux États-Unis est meilleure qu’attendu,
– Les taux € restent à des niveaux très bas et ne suivent pas la hausse des taux US,
– Les résultats des entreprises sont meilleurs que prévu, ils sont révisés à la hausse aussi bien aux États-Unis qu’en Eurozone alors que l’effet négatif du $ est désormais derrière nous,
– Les valorisations, 12,6X BPA en Allemagne et 13,8X en France restent très modestes en regard des taux longs.
Le consensus des prévisions bénéficiaires JCF/FactSet sur le Stoxx600 en Europe attend pour 2018 une croissance annuelle de +8,7% et de +8,8% pour 2019. Pour le S&P500 américain la croissance annuelle 2018 est attendue à +18,6% et à +8,4% pour 2019.
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion