- 5 octobre 2018
- Focus conseil
Créance entre époux : elle doit être réclamée dans les 5 ans du décès du conjoint ! (Cass. civ. 1. 28/03/2018)
1. Ce qu’il faut retenir
En matière de prescription, il faut distinguer les créances de la succession et celles de l’indivision post-successorale.
- Pour les créances sur la succession, c’est à dire nées AVANT le décès, le délai de prescription court à compter de sa constatation. Si la créance est née antérieurement au décès, mais que le délai est suspendu jusqu’au jour du décès alors elle court à compter de cette date.
Exemple
Créance entre époux
- Pour les créances sur l’indivision post-successorale, c’est à dire nées APRÈS le décès, le délai de prescription court à compter des opérations de partage.
Exemple
Dette liée à l’entretien d’un bien de la succession
Cass. civ.1 du 28 mars 2018, n°17-14.104
2. Conséquences pratiques – Avis Fidroit
La créance née entre époux (créance entre co-partageant), exigible au jour du décès du conjoint se prescrit au bout de 5 ans à compter du décès. Au-delà de ce délai, il sera impossible de recouvrer sa créance.
Avis Fidroit
Quand bien même le conjoint n’entend pas réclamer sa dette avant le partage, il est essentiel qu’il la déclare afin qu’elle figure à la succession et que la computation du délai de prescription soit suspendue.
3. Pour aller plus loin
3.1. Contexte
La prescription est régie par l’article 2224 du code civil qui fixe le délai de droit commun et son point de départ, et par un ensemble dispositions spéciales relatives soit au délai, soit aux modalités de computation de ce délai.
L’article 2236 du code civil permet une computation du délai de prescription de droit commun (c’est-à-dire le point de départ du délai) à compter du décès du conjoint lorsque le conjoint survivant en est créancier. Ces dettes sont inscrites dans la succession et sont exigibles à compter du décès.
Une autre situation spéciale concerne les dettes que des copartageants peuvent avoir sur l’indivision post-successorale. Ces dettes naissent après le décès et résultent en général de l’entretien d’un bien de la succession. Elles sont régies par les règles spéciales des articles 864 et 865 du code civil. Suivant ces articles la dette ne devient exigible qu’à compter des opérations de partage. La prescription court donc à compter de ce jour.
3.2. Faits et procédure
Au décès d’un père de famille, ses enfants nés d’un premier lit et sa dernière épouse se réclament mutuellement le paiement de diverses sommes d’argent. Nous nous intéressons plus particulièrement à créance demandée par Madame sur la succession.
Du vivant de son époux, Madame avait contribué au financement d’un immeuble personnel à Monsieur. Depuis le décès de ce dernier, elle a payé des travaux, charges de copropriété, factures et taxes. Elle en demande le remboursement aux enfants de Monsieur lors des opérations de partage. Les enfants se défendent en invoquant la prescription de cette créance qui devait être réclamée dans le délai de droit commun.
La Cour d’appel rejette la demande des enfants au motif que la prescription spéciale des copartageants (C. civil. art. 864 et 865) est applicable en l’espèce. Dès lors, le délai de prescription d’une part ne peut courir du vivant des époux, et d’autre part ne peut courir qu’à compter des opérations de partage.
3.3. Arrêts
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel : la créance d’acquisition est une dette de la succession et non de l’indivision post-successorale.
En revanche, les dépenses de travaux, taxes, charges de copropriété et factures sont des dettes de l’indivision post-successorale. Or, les articles 864 et 865 du code civil ne sont applicables que pour les dettes que les copartageants ont sur l’indivision post-successorale et non sur la succession. Les dettes sur la succession se prescrivent par le délai de droit commun.
3.4. Analyse
Il convient d’opérer une distinction entre les dettes nées avant le décès au profit de l’un des copartageants et les dettes nées après le décès auprès de l’indivision post-successorale et au profit de l’un des copartageants. Par hypothèse ces deux dettes sont dues auprès d’un copartageant, mais elles ne sont pas nées auprès du même débiteur.
La créance d’acquisition est en réalité la conséquence de l’application de l’article 2236 du code civil. La dette existe du vivant des époux, elle ne devient exigible qu’à compter du décès du conjoint débiteur. Elle devient exigible auprès de la succession. La qualité de copartageant du conjoint n’a aucun impact sur la règle applicable. Le délai de droit commun est applicable à compter du décès du conjoint.
Les factures et charges payées par un co-indivisaire, également copartageant sont en revanche des dettes de l’indivision post-successorale nées à compter du décès du conjoint. Elles sont exigibles au jour du partage et se prescrivent à compter de cette date.
Remarque :
L’écart entre la date du décès et celle du partage est souvent très élevé. C’est ce qui explique les nombreux contentieux dans ce domaine.
Source : Fidroit