- 20 avril 2020
- Point bourse
MACRO AMÉRICAINE DÉCEVANTE CHIFFRES MICRO PLUS RÉSISTANTS
Lorsque l’économie navigue sur des mers inconnues comme celles de la terrible récession dans laquelle nous nous engageons, les prévisions deviennent ardues à construire pour les économistes et les analystes financiers.
C’est ce que nous avons constaté cette semaine.
D’un coté les nombreuses données macro économiques publiées sur les États-Unis ont toutes été plus mauvaises que les attentes. De l’autre les publications des chiffres du T1 des banques américaines et de quelques entreprises européennes ont dépassé les attentes.
Cela nous conforte dans notre stratégie qui demeure prudente mais cette prudence s’accompagne de choix sectoriels marqués.
Voici la longue série des chiffres américains décevants publiés cette semaine :
- Mercredi 15 : recul des ventes au détail du mois de mars de 8,7%, le consensus attendait -8%. Dans le détail, les ventes d’automobiles chutent de 25,6%, celles de vêtements de 50,5%, la restauration de 26,5%, etc. non compensées par une progression de 26,5% de l’agro-alimentaire et de 3,1% des ventes en ligne. Avril sera pire.
- Mercredi 15 : l’Empire State, indicateur avancé de la Fed de New York, enregistre la chute la plus importante qu’il ait jamais connu, -56,7 points à -78,2, le consensus était à -35,0. Le plus bas atteint lors du crash de 2008 était -34,3, ce qui semble bénin aujourd’hui. La plupart des composantes plongent et 85% les répondants enregistrent un recul de leur activité et 7% une croissance. Lueur d’espoir, les perspectives à 6 mois passent de +1,2 à +7,0.
- Mercredi 15 : la production industrielle décline de 5,4% en mars, le plus fort recul depuis janvier 1946 et 5,5% sous son niveau d’il y a un an. C’est l’automobile (-28% m/m) qui connaît le plus fort retrait
- Mercredi 15 : la confiance des constructeurs (National Association of Home Builders NAHB) plonge de 42 pts à 30 alors que le consensus était à 55. Les ventes actuelles baissent de 43 pts, les ventes attendues de 39 pts et la fréquentation des bureaux de vente de 43 pts. Ces chiffres sont cependant bien au-dessus de ceux de 2009 (janvier 2009 à 6 !).
- Jeudi 16 : les inscriptions hebdomadaires au chômage (Department of Labor/Haver Analytics) sortent à 5,25 millions vs 6,62 la semaine précédente. Du 14 mars au 11 avril elles totalisent 22 millions, suggérant que le taux de chômage s’approche des 20%. La dégradation du marché du travail a été plus rapide que ne le sera sa reprise.
- Jeudi 16 : les mises en chantier déclinent de 22,3% en mars (1 216k vs 1 564k en février et consensus à 1 330k) reflétant l’arrêt d’une partie des activités de construction sur la 2ème partie du mois.
- Jeudi 16 : les demandes de permis de construire reculent de 6,8% à 1 353k en mars vs 1 452k en février et des attentes à 1 300k.
- Vendredi 17 : l’indicateur avancé du Conference Board (organisme patronal) chute à -6,7% vs +0,1% en février et des attentes à -5,0%.
En conséquence, le processus de révision à la baisse des prévisions de croissance pour les États-Unis a continué. Berenberd a ainsi abaissé la croissance du PIB 2020 à -7,4% et à +3,2% pour 2021, Capital Economics est lui à -5,0% pour 2020 et +6,5% pour 2021.
Devant une telle dispersion, la seule conclusion que nous pouvons en tirer est qu’actuellement la fiabilité des prévisions, même sur 2020, est tr !ès faible.
Le PIB de la Chine pour le T1 est sorti en décroissance pour la 1ère fois depuis la publication de données trimestrielles en 1992.
Le PIB a reculé de 6,8% y/y après +6,0%au T4 2019, les attentes étaient à -6,0%.Pour mieux prendre la mesure du momentum les chiffres du mois de mars sont intéressants.
Après un recul de -13,5% y/y en janvier-février de la production industrielle, le recul de mars a été de -7,3%. Du côté des services, -13,0% sur janvier-février et -9,1% en mars et des ventes au détail -20,5% en janvier-février et -15,8% en mars.
L’investissement s’est contracté de 16,1% au T1, autrement dit après un recul de -24,5% en janvier-février, la contraction est de -9,4% en mars. Le principal moteur de ce redressement est les dépenses d’infrastructure, ce qui suggère que le stimulus budgétaire et fiscal a commencé à produire ses effets.
L’investissement immobilier a été le seul secteur en croissance sur un an en mars, sans doute par la reprise des chantiers en cours grâce au retour des ouvriers vers les villes car les mises en chantier sont encore en recul. En effet les promoteurs ne veulent pas lancer de nouveaux projets sans avoir une meilleure visibilité sur la demande.
Le rythme de la reprise va maintenant être suivi avec attention.
En combien de temps la demande domestique va revenir à ses niveaux antérieurs alors que le chômage est passé de 5,2 à 6,0% et que le revenu disponible a reculé d’environ 4% ? Les collectivités locales cherchent à stimuler la consommation en versant des subventions aux ménages, dont on ne sait si elles seront consommées ou épargnées.
D’autre part la demande pour les produits chinois à l’export va ralentir. En effet, les plus importants marchés chinois à l’export : États-Unis, Hong-Kong, Japon, Corée du Sud et Vietnam, qui représentent 42% des exportations chinoises, sont tous touchés par le COVID-19 et la plupart des pays asiatiques reposent beaucoup sur la demande chinoise. Ceci sans parler des problèmes rencontrés par les chaînes logistiques.
Aussi les autorités chinoises agissent sur tous les moteurs possibles pour relancer l’activité. Cette semaine la People’s Bank of China (PBoC) a à nouveau baissé son taux de prêt à un an (Medium term Lending Facility MLF) de 20 bp, c’est la baisse la plus forte de ce taux qui l’amène à un plus bas historique de 2,95% très inférieur au taux d’inflation, pour encourager les banques à prêter aux entreprises.
Le bond du crédit en mars, le plus important depuis 2016, suggère là aussi que le stimulus commence rendre effet. Plus doit être fait et la PBoC, par ses multiples décisions, montre que c’est la direction qu’elle prend. Elle a ainsi en début de mois réduit pour la 1ère fois depuis 2008 le taux de rémunération des réserves excédentaires des banques de 0,72% à 0,35%, réduisant par là même le taux interbancaires au jour le jour. Ceci suggère qu’elle s’apprête à baisser davantage ses taux directeurs.
Peu de chiffres économiques pour l’Eurozone cette dernière semaine. La Banque de France a indiqué que les ventes au détail avaient baissé de presque un quart. En Italie Confcommercio a fait état d’une chute des dépenses de plus de 30% et l’Istat a publié une étude qui indique qu’il y a 56% des salariés qui travaillent dans des secteurs toujours actifs, mais ce chiffre n’indique pas si l’activité fonctionne à un rythme normal.
Dans son travail de lutte contre le risque de fragmentation des taux à l’intérieur de l’Eurozone, il semble de plus en plus évident que la BCE, qui l’a d’ailleurs préannoncé, va devoir augmenter la taille de son PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme). En effet, à son rythme actuel d’achats, 35 milliards€ la semaine passée nouveau record, le montant du PEPP sera épuisé en octobre. Il est intéressant de noter une déclaration en ce sens d’une membre allemande du comité de la BCE, Isabel Schnabel.
La difficulté des prévisions concerne aussi les analystes financiers. Et pour le coup cette semaine les surprises ont été bonnes.
Pour nous, aux États-Unis, les publications des grandes banques ont été plutôt satisfaisantes. Ce qui les a plombé, ce sont les dotations aux provisions qu’elles ont constitué en anticipation des créances douteuses à venir mais leur exploitation n’a pas déçu.
En France, bonnes surprises avec L’Oréal et LVMH portés par la Chine et présents dans FCP Mon PEA et vendredi soir GTT (Gaz Transport et Technigaz) présent à la fois dans PEA et Erasmus Mid Cap Euro.
Peut-être donc que, au moins pour le T1, le pessimisme des analystes financiers se révélera excessif.
Selon EPFR Global, les flux sur les ETF et Mutual Funds continuent à être positifs, et cette semaine sur toutes les classes d’actif : Equities (ETF & LO), Bonds, Commodities et Money-market.
Sur les equities, 3ème semaine de souscriptions pour les actions américaines, 2ème semaine de souscriptions substantielles pour les actions japonaises, stabilité pour les actions européennes et rachats continus sur les actions émergentes (11 des 12 dernières semaines).
Sur la semaine les marchés clôturent majoritairement en hausse : S&P500 +2,9%, Nasdaq +6,1%, Stoxx600 +0,5%, EuroStoxx50 -0,2%, CAC40 -0,2%, DAX30 +0,6%, Nikkei 225 +2,0% et Shanghai SE +1,5%avec le Bund en baisse de -12,4bp à -0,48% et le 10 ans US de -11,1% à 0,61%. L’€ se déprécie modestement face au $ de -0,62% à 1,0875.
La Pharmacie (+5,4%) continue de surperformer le Stoxx et profite de l’optimisme suscité par de possibles avancées dans les traitements anti coronavirus, suivie de l’Agro-alimentaire (+3,4%) et de la technologie (+2,9%).
Le secteur Pétrole & Gaz (-6,8%) accuse la plus forte baisse sectorielle, pénalisé par la baisse des prix du pétrole (WTI était en forte baisse sur la semaine de -19,99% et le Brent de -9,72% à 28,41$), suivi des Banques (-5,9%) et de l’Immobilier (-3,8%).
Bonne semaine pour nos fonds et en particulier pour Erasmus Small Cap Euro avec un écart favorable sur les 4 séances de la semaine de plus de 2% par rapport à son benchmark.
Hugo n’a fait sur ce fonds qu’un seul mouvement cette semaine, la vente de SOITEC. Un seul mouvement aussi pour Aymeric sur Erasmus Mid Cap Euro, la vente de la banque autrichienne BAWAG Group AG. Par contre la rotation sectorielle continue pour FCP Mon PEA avec les ventes de BNP Paribas et Safran et les achats de technologie, Atos, Cap Gemini et Edenred, et d’Orpea, trop maltraitée en ce moment.
Le consensus des prévisions bénéficiaires JCF/FactSet sur le Stoxx600 européen attend un recul des BPA de -3,3% pour 2019 et de -13,3% pour 2020. Aux États-Unis pour le S&P500 la croissance 2019 est attendue à +2,2% mais 2020 est attendu à -13,4%.
Bonne semaine confiné à tous,
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion
Lire le point bourse précédent : https://www.tanguyfinances.fr/un-choc-sans-precedent/