- 22 octobre 2020
- Point bourse
Brouillard préélectoral
Incertitudes sanitaires, incertitudes électorales : la visibilité se réduit et logiquement la volatilité augmente bien que sur le front économique les statistiques n’aient pas apporté beaucoup de nouveautés.
Du côté de la micro-économie les premières publications des entreprises sur leur activité au T3 sont meilleures qu’attendu. Aux États-Unis les banques américaines ont surpris par leurs bons résultats, en Europe c’est la première capitalisation du continent, LVMH, qui a annoncé une activité bien plus forte qu’attendu.
Désormais les prévisions de résultats sont fortement revues à la hausse depuis 3 mois aux États-Unis et elles le sont aussi depuis un mois pour le Stoxx600.
Dans cette période préélectorale souvent tumultueuse, les nouvelles des entreprises ont permis cette semaine de limiter l’ampleur des fluctuations dans l’attente du 3 novembre.
En dépit de la seconde vague de la crise sanitaire et des mesures de distanciation sociale que les gouvernements, en Europe principalement mais dans certains états ou villes des États-Unis aussi, sont amenés à prendre, l’analyse demeure que l’économie globale continue sont rattrapage après avoir profondément plongé plus tôt dans l’année. C’est notamment ce que nous, indique le Global PMI composite, à 52,1 en septembre, son 3ème mois consécutif en territoire d’expansion, le 5ème mois d’optimisme des répondants sur leur activité à 12 mois et le 3ème mois consécutif d’expansion des nouvelles commandes au-dessus de 50.
Une bonne illustration du moment que nous vivons en Europe est fournie par les données suivantes.
Pour ce qui est des réservations de dîners au restaurant, Open Table nous fournit des chiffres hebdomadaires : en Allemagne les réservations sont tombées à 0 (-100%) de la fin avril à la fin juin, elles sont ensuite remontée de fin juillet à mi-septembre à environ +15% y/y pour redescendre à +5% cette semaine. Même source pour la Grande-Bretagne : 0 (-100%) de mi-avril au début juillet, puis remontée à +30% y/y début septembre pour se situer à -5% aujourd’hui.
Dans le même temps la circulation des poids lourds en Allemagne (source Destatis) est tombée à 0 (-100%) durant la seconde quinzaine d’avril pour remonter à +15% d’août à mi-septembre et atteindre aujourd’hui +30% y/y.
Il est donc aujourd’hui particulièrement important de bien faire le tri entre ce qui affecte notre vie quotidienne et notre confort, les loisirs et restaurants, et ce qui affecte l’activité économique, la circulation des marchandises.
Ainsi, le commerce extérieur de l’Eurozone a rebondi fortement en août, le surplus de la zone s’établissant à 21,98 MM€ contre 19,38 MM€ en juillet. Le surplus de l’Eurozone devrait être au T3 150% plus élevé que celui du T2, dopant le PIB. Les excédents vis à vis des États-Unis et de la Grande-Bretagne se réduisent par rapport à l’an dernier et le déficit vis à vis de la Chine se creuse, par contre les déficits vis à vis de l’ensemble des pays pétroliers dont la Russie sont considérablement réduits.
En septembre les ventes automobiles dans l’Eurozone ont progressé de 3,1% y/y, une forte hausse en Allemagne et en Italie faisant plus que compenser les ralentissements espagnol et français.
L’inflation en Eurozone a à nouveau baissé en septembre à -0,3%, l’inflation sous jacente également qui est passée de +0,4% à +0,2%. Une partie de ces reculs est due à la baisse de la TVA en Allemagne, mais celle-ci n’explique pas tout : beaucoup de prix de biens ont baissé fortement durant le confinement et ils n’ont pas retrouvé leurs niveaux antérieurs.
Ces données d’inflation doivent amener la BCE à réfléchir à son action, sans doute pas pour accroître son stimulus dès sa réunion d’octobre, mais nous pensons que dès décembre le programme PEPP pourrait être étendu et l’enveloppe pour 2021 élargie.
Pour l’instant la BCE a fait un bon travail et les récents propos de sa présidente Christine Lagarde alignant ses objectifs d’inflation sur ceux de la Fed vont dans le sens d’un soutien accru à l’activité. Grâce à elle, et aux résultats des élections italiennes de septembre, les spreads entre les taux souverains des pays périphériques et le Bund allemand se sont considérablement réduits. Le spread entre le BTP 10 ans italien et le Bund est ainsi passé entre la mi-mars 2020, lancement du PEPP, et aujourd’hui de 285bps à 122bps. C’est cette réussite qui a rassuré les investisseurs du monde entier sur la solidité de l’€ et qui permet aux pays périphériques de se financer à bon compte. Il faut que ça continue.
L’inflation française a suivi le même chemin que celle de l’Eurozone en septembre pour toucher 0,0% après 0,2% en août, l’inflation sous jacente est devenue déflation en passant de 0,0% à -0,2%.
Le tableau de l’inflation aux États-Unis est le même qu’en Europe, chiffres encore plus surprenants là-bas qu’ici, avec une inflation et une inflation sous-jacente à 0,2%, niveaux qui justifient pleinement d’une part la prolongation de l’action de soutien de la Fed, d’autre part la demande par son chairman Jerome Powell de l’extension des aides gouvernementales aux ménages et aux entreprises.
Sur la question budgétaire, Steven Mnuchin a finalement admis le 14 octobre qu’il était très peu probable de trouver un accord avant les élections. En dépit du fait que Donald Trump se soit montré prêt jeudi 15 octobre à aller plus loin que sa proposition précédente de 1 800 MM$, les élus républicains du Sénat ont déjà confirmé leur opposition. Durant la période de transition il sera sans doute plus facile de s’accorder quelque soit le résultat et de mobiliser les fonds inutilisés des précédents plans de relance, estimés à 380 MM$ pour limiter la perte de vitesse du rebond de l’économie sur le T4.
Les ventes au détail ont accéléré de 1,9% m/m en septembre après 0,6% m/m en août portant leur variation sur un an à +5,4% vs +2,8%. Après un recul annualisé de 25,6% au T2 le rebond au T3 pourrait être de 66%.
La confiance des ménages mesurée par l’Université du Michigan progresse à 81,2 vs 80,4 en septembre, hausse causée par les sous indicateurs des perspectives.
Les indicateurs anticipés régionaux semblent très sensibles aux conditions sanitaires locales. Nous venons de la voir avec la confiance des ménages, le Michigan et Detroit n’étant pas touchés par les nouvelles mesures de distanciation sociale. New York si et l’Empire State manufacturing décline de 6,5pts à 10,5 malgré les hausses des nouvelles commandes et des livraisons. Et Philadelphie non et le Philadelphia Fed manufacturing bondit en octobre de 17,3pts à 32,3 avec là aussi hausse des nouvelles commandes et des livraisons.
Les divergences de situation d’inflation entre la Chine et les États-Unis ont d’importantes conséquences en matière de taux d’intérêt et de devises.
En Chine le taux d’inflation sous-jacente a commencé sa remontée il y a deux mois et les entreprises relèvent leurs prix de vente au fur et à mesure de l’amélioration de l’activité économique.
En conséquence le taux souverain 10 ans chinois , qui était à 3,2% en janvier, après être descendu à 2,55% début mai, a retrouvé, et même un peu dépassé son niveau du début de l’année.
Dans le même temps, le 10 ans US qui était à 1,81% en janvier, est descendu à 0,50% en mars et depuis 6 mois il tourne autour de 0,70%.
Les arbitrages financiers s’enchaînant logiquement la conséquence de ce qui précède sur les parités des devises a été importante et le renminbi s’est apprécié de 7% vis à vis du $ depuis la fin mai. Je vous l’écris car je crains que Donald Trump oublie de le mentionner.
Comme nous vous l’indiquions dans l’en-tête de cette lettre, les prévisions de résultats pour les entreprises américaines sont entrain d’être révisées à la hausse par les analystes financiers ; depuis 3 mois +5,4% pour 2020 et +1,9% pour 2021. 2020 est cependant encore attendu en recul de -24,2% et la hausse attendue pour 2021, 28,8%, ne rattrapera pas entièrement ce recul. Les mêmes chiffres européens sont bien loin des chiffres US : révisions de -3,3% sur 3 mois pour 2020 et -1,1% pour 2021. 2020 est attendu à -38,9% et 2021 à +50,9%.
Au regard des valorisations des marchés, 21X 2021 pour les États-Unis et 17X pour l’Europe avec le 10 ans US à 0,70% et -0,1% pour le 10 ans moyen européen, qu’il n’y a pas lieu de parler de valorisation excessive. Ceci d’autant que les rendements des actions, 4,4% pour le Stoxx600 européen et 3,5% pour le S&P500 américain, n’ont jamais été aussi élevés en relatif aux taux longs.
Cette anomalie sera corrigée, soit par la hausse des taux, soit par la hausse des indices actions et la baisse des rendements actions. Et vraisemblablement un peu par les deux bouts !
Pas (encore ?) de changement dans les stratégies en place dans nos portefeuilles mais une réflexion sur leur adaptation à la situation en cas de rallye bleu (Président, Sénat et Chambre des Représentants démocrates) : alors la bascule d’une partie des actifs vers des secteurs cycliques-value s’imposerait.
Sur la semaine les marchés clôturent plutôt en baisse : S&P +0,19%, Nasdaq -0,5%, Stoxx -0,77%, EuroStoxx -+0,8%, CAC -0,22%, DAX -1,09%, Nikkei -0,89% et Shanghai SE +2% avec le Bund allemand en baisse de -9,4bps à -0,62% et le 10 ans US de -3,2bps à 0,74%. L’€ se déprécie face au $ de -1,23% à 1,1718.
Sur le Stoxx, le secteur Automobile est le plus performant (+1,5%) grâce à la croissance des ventes, une première depuis 9 mois, suivi de HPC (+1%) qui bénéficie de la publication de LVMH et des Utilities (+0,8%). A l’inverse au vu des incertitudes sanitaires et de l’augmentation des sinistres liés au Covid 19 le secteur des Assurances (-3,2%) est le moins performant suivi de Voyages & Loisirs (-3,1%) et des Banques (-2,7%).
Pas d’arbitrages sur nos fonds cette semaine, ils se comportent tous un peu mieux, voire bien mieux (Erasmus Small Cap Euro) que leurs indices de référence.
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion