Cession simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété et remploi : le report du démembrement doit être expressément prévu (CE 02/04/2021)

Un formalisme strict doit être respecté en cas de cession simultanée par l’usufruitier et le nu-propriétaire de titres démembrés.Rédigé par les équipes d’Harvest

1. Ce qu’il faut retenir

Un certain formalisme doit être respecté en cas de cession simultanée par l’usufruitier et le nu-propriétaire de titres démembrés et de report du démembrement par remploi du prix de vente pour l’acquisition de nouveaux titres. A défaut, la plus-value pourrait en effet être imposée entre les mains de l’usufruitier, et non, comme ce devrait être le cas, entre les mains du nu-propriétaire.
 
En cas de cession simultanée, par l’usufruitier et le nu-propriétaire, de titres dont la propriété est démembrée (la cession est alors réalisée en pleine-propriété), sans répartition entre eux du prix de vente, le redevable de l’impôt sur la plus-value est selon le cas :

  • le nu-propriétaire lorsque les parties ont décidé que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l’acquisition d’autres biens (dont les revenus reviennent à l’usufruitier),
  • à défaut, à l’usufruitier (dans ce cas, le droit d’usufruit est reporté sur le prix de cession et attribué en totalité à l’usufruitier dans le cadre d’un « quasi-usufruit »). 

Ainsi, pour que le report du démembrement permette à l’usufruitier d’échapper à l’impôt sur la plus-value, le remploi du prix de cession doit être prévu par les parties, et revêtir, pour l’usufruitier, un caractère obligatoire.

C’est ce que les juges viennent de rappeler, de façon stricte, à un usufruitier qui se prévalait du remploi des sommes pour échapper à l’impôt, en le lui refusant au motif que ce remploi ne lui avait pas été imposé par un accord, mais résultait de sa propre initiative.

2. Pour aller plus loin

En l’espèce un couple avait, par un acte authentique de donation-partage, cédé à leurs 2 enfants la nue-propriété de 20 000 actions, dont ils ont conservé l’usufruit. Cet acte :

  • faisait interdiction aux nus-propriétaires :
    • de céder ou de nantir les titres sans l’accord des usufruitiers,
    • en cas de cession des titres, de demander le partage en toute propriété du prix représentatif de ceux-ci (sauf accord exprès du ou des usufruitiers),
  • donnait mandat exclusif aux usufruitiers pour gérer les fonds issus de la cession des titres qui serait décidée avec leur accord, en l’absence de remploi pour acquérir de nouveaux titres. 

Deux ans plus tard, ces titres ont été cédés (dans le cadre du rachat par la société de ses propres actions au titre d’une réduction de son capital) et l’usufruitier se prévalait du remploi ultérieur du prix de cession pour échapper à l’imposition sur la plus-value.

Le Conseil d’Etat rejette sa demande. Lorsque l’usufruitier conserve la faculté de remployer ou non le produit de la cession des titres dont il a l’usufruit, le droit d’usufruit doit être regardé, pour l’imposition des plus-values résultant de la cession, comme reporté sur le produit de cette cession, rendant ainsi l’usufruitier intégralement redevable de l’imposition.

Les stipulations de l’acte de donation-partage ne faisaient du remploi du prix de vente des titres qu’une simple faculté à la main des seuls usufruitiers.

Dès lors, l’usufruitier gardant la possibilité de reporter son droit d’usufruit sur le prix issu de la cession des actions, il devait, en sa qualité d’usufruitier, être regardé comme redevable de l’intégralité de l’imposition assise, sur la plus-value résultant de la cession de ces actions.

Articles similaires