- 13 septembre 2017
- Focus conseil
Imputation d’un déficit foncier non déclaré l’année de sa constatation : attention à la prescription !
L’erreur doit être corrigée avant toute imputation ultérieure et dans le délai de réclamation… |
1. Ce qu’il faut retenir
L’article 156, I du CGI subordonne l’imputation ou le report des déficits à la condition qu’ils aient été constatés dans l’une des catégories de revenus retenues pour l’assiette de l’impôt.
Lorsqu’un contribuable a omis de déclarer un déficit l’année de sa constatation et qu’il n’a pas corrigé cette erreur dans le délai de réclamation, il ne peut plus en demander l’imputation sur les revenus ultérieurs.
CAA de Nancy, 23 mars 2017 n°15NC01906
2. Conséquences pratiques – Avis Fidroit
Les déficits fonciers doivent d’abord être déclarés au titre de l’année de leur réalisation avant de pouvoir être imputés sur des revenus positifs ultérieurs.
Si le contribuable a fait une omission dans sa déclaration, elle peut être corrigé jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle le déficit a été réalisé par voie de réclamation. Au-delà, le déficit est définitivement perdu.
Aussi, les contribuables qui effectuent des travaux dans un bien nouvellement acquis en vue de le donner en location doivent être vigilants et en faire état dans leur déclaration de revenus fonciers de l’année du paiement (2044 ou 2044 spéciale), quand bien même aucun revenu n’est constaté au titre de l’immeuble.
Avis Fidroit :
Cette décision, dans le droit fil de la jurisprudence antérieure (CE 23 juil.1976 n° 98669), est transposable à toutes les catégories de revenus. Elle semble toutefois en contradiction avec une décision rendue par la Cour administrative d’appel de Versailles du 16 mai 2013 en matière de plus et moins-values de cession de titres. Selon cette dernière, une moins-value même non déclarée peut être imputée sur les plus-values des 10 années suivantes à condition d’être justifiée. On peut penser que cette analyse, plus favorable au contribuable, se justifie par le caractère davantage « figé », ou en tout cas plus facilement justifiable de la moins-value.
Il conviendra néanmoins de rester attentif à une éventuelle décision du Conseil d’Etat sur le sujet…
3. Pour aller plus loin
Contexte
En application des règles de la comptabilité de caisse, les produits et charges relevant de la catégorie des revenus fonciers doivent être déclarés l’année de leur paiement. La date de facturation ou de réalisation des travaux est indifférente.
BOI-RFPI-DECLA-20, § 210
Si un emprunt est contracté ou que des travaux sont effectués dans immeuble avant sa mise en location, les dépenses seront déductibles car exposées « en vue de l’acquisition d’un revenu ». Il convient alors de les déclarer même en l’absence de revenu.
A défaut de revenus fonciers suffisants pour compenser les frais exposés, un déficit foncier sera constaté. Celui-ci sera imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700 € (hors intérêts d’emprunts) et l’excédent pourra être imputé sur les revenus fonciers positifs des 10 années suivantes.
BOI-RFPI-BASE-30-10, § 1
A défaut de déclaration du déficit l’année de sa constatation, peut-il tout de même être imputé les années ultérieures ?
A cette question, la Cour administrative de Nancy apporte une réponse sans surprise…
Faits et procédure
Un contribuable n’a pas mentionné sur sa déclaration de revenus fonciers souscrite au titre d’une année 2007 l’existence de déficits fonciers subis au cours de l’année à hauteur de 35 229 €. Il a par la suite imputé le déficit foncier non déclaré sur ses revenus fonciers des années suivantes, sans pour autant avoir demandé à corriger la déclaration de 2007.
Le contribuable s’est vu notifier, par proposition de rectification du 8 septembre 2011 et selon la procédure contradictoire, des rectifications de l’impôt sur le revenu au titre des années 2008, 2009 et 2010. Acceptant une partie des rehaussements mis à sa charge, il a demandé à ce que le déficit soit pris en compte pour déterminer ses revenus 2007 et soit imputé sur ses revenus ultérieurs.
Suite à un jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande, le contribuable fait appel devant la Cour administrative d’appel de Nancy.
Il demande à ce que la décision de première instance soit annulée et à ce que l’impôt mis à sa charge pour l’année 2008 soit réduit.
Arrêt
Les juges constatent que la déclaration de revenus fonciers souscrite par le contribuable au titre de l’année 2007, année prescrite au regard du droit de reprise de l’administration, ne mentionnait pas l’existence de déficits fonciers qui seraient apparus au cours de cette même année, de sorte que les revenus de l’année 2007 ont fait l’objet d’une imposition qui n’a pas été contestée dans les délais.
« La première réclamation formée par le contribuable, le 9 novembre 2011, étant postérieure à l’expiration du délai de réclamation afférent à cette année d’imposition, […] l’imposition due au titre des revenus de l’année 2007 […] est ainsi devenue définitive ».
Les déficits subis jusqu’à cette année doivent donc être tenus pour « entièrement résorbés » à cette date. Il en découle que le contribuable n’est plus en droit de reporter ces déficits sur les années ultérieures et n’est dès lors en l’espèce pas fondé non plus à demander le report du déficit foncier.
Analyse
Si l’utilisation d’un déficit est subordonnée à ce qu’il soit régulièrement déclaré, ce n’est pas pour autant qu’un déficit irrégulier, par exemple constitué de dépenses non déductibles, déclaré au titre d’une année prescrite est acquis et peut par la suite être imputé sans risque de remise en cause.
L’administration est en effet autorisée à vérifier l’existence et la réalité d’un déficit ancien, portant sur un exercice prescrit, s’il a fait l’objet d’un report sur un exercice non encore prescrit (CE, arrêt du 27 février 1970, n° 76494 ; BOI-CF-PGR-10-20 § 190).
Source : Fidroit