- 30 mars 2020
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PLUTÔT GROSSE BERTHA QUE BAZOOKA
Le G20 a dans son communiqué final indiqué que plus de 5 trillions $ seraient injectés dans l’économie globale. Ce montant impressionnant s’ajoute aux initiatives nationales. En ces temps d’urgence sanitaire les leaders des grandes puissances semblent écarter leurs récents conflits commerciaux.
Et depuis le 15 mars 32 des 39 principales banques centrales ont baissé leurs taux directeurs. Toutes les banques centrales des pays du G5 ont amplifié leurs assouplissements quantitatifs et leurs gouvernements ont décidé de stimuli fiscaux allant de 5% (Allemagne) à 9,2% (États-Unis) de leurs PIB.
Ceci a entraîné une baisse généralisée des taux longs des pays du G7 et un aplatissement général des courbes de taux ; Par contre les émergents n’ont pas eu d’autre solution que de monter leurs taux pour enrayer la chute de leurs devises.
Devant l’action de la BCE on avait parlé de bazooka, là il s’agit carrément de grosse Bertha.
Si les réactions des gouvernements et des banques centrales sont si vigoureuses, c’est parce que l’on assiste à un effondrement rapide des économies.
A cet égard, les publications de la semaine, attendues très mauvaises, se sont révélées pires que les prévisions les plus pessimistes.
La chute des PMI européens par exemple est si brutale qu’à tout autre moment elle serait apparue comme une erreur statistique. Aujourd’hui hélas, non seulement elle est crédible mais il se pourrait qu’avril soit pire.
L’IHS Markit composite PMI pour l’Eurozone est tombé à 31,4 vs 51,6 en février, le manufacturier est à 44,8 vs 49,2 et les services s’effondrent à 28,4 vs 52,6.
Le mouvement est similaire aux États-Unis avec l’indicateur composite à 40,5 vs 49,6, le plus fort recul depuis 2009 début de l’enquête, le manufacturier qui résiste là aussi, bien au-dessus du consensus à 49,2 vs 50,7 mais par contre les services enregistrent à 39,1 vs 49,4 un plus bas record.
Alors qu’avril sera pire que mars, le très fiable indicateur allemand IFO chute à 86,1 en mars vs 96 en février, le plus fort recul depuis 1991.
D’autres indicateurs nationaux vont dans le même sens comme la confiance des consommateurs mesurée en Allemagne par GfK à 2,7 en mars alors que le consensus était à 7,1 et février à 8,3, c’est le plus important recul jamais enregistré.
Le climat des affaires en France mesuré par l’INSEE résiste mieux avec un manufacturier à 98 pour un consensus à 93 et février à 105, il enregistre néanmoins son plus fort recul historique et les activités de services et de commerce sont, comme pour les PMI, plus affectées.
Pour la France l’INSEE a aussi publié son indicateur mensuel de confiance des consommateurs pour mars, enquête effectuée jusqu’au 17 mars : il sort à 103 contre 104 en février et un consensus à 92 avec des sous indicateurs utiles. Les français pensent que leur niveau de vie va être affecté, ils ont en particulier des craintes sur l’emploi, par contre capacité d’épargne et pouvoir d’achat sont en hausse et leur sentiment sur leur situation personnelle et la situation globale est en amélioration.
De tout cela nous pouvons tirer prudemment quelques prévisions même si la taille du recul est aujourd’hui grandement incertaine.
Les PIB seront plus sévèrement touchés que lors de la crise financière de 2008/2009.
Le chômage en Eurozone pourrait monter à 12% à la fin juin, effaçant 7 années de recul en 3 mois. On peut espérer que ceci sera provisoire mais il faudrait un rebond spectaculaire au S2 auquel nous ne croyons pas pour que le taux de chômage redescende à 8% en fin d’année. En effet, les mesures de relance, impressionnantes, agissent toujours avec un temps de décalage alors que la réunion des gouvernements de l’Eurozone n’a pas pu aboutir à un accord sur les corona bonds, les allemands et les néerlandais préférant l’ESM : rendez-vous dans deux semaines.
Il n’y a malheureusement pas en Eurozone la symbiose qui apparaît à chaque fois dans l’urgence aux États-Unis entre gouvernements et banque centrale.
La BCE fait son travail et a levé les derniers obstacles à son action, ce qui lui permet d’agir avec beaucoup plus de liberté dans l’utilisation des 750 milliards€ d’achats d’actifs qui ont été décidés. Ceci sera utile pour assurer la stabilité financière et éviter une crise de la dette comme en 2009/2011, aidée par la chute de l’inflation qui connaîtra quelques mois de taux négatifs au moins cet été aussi bien en Europe qu’aux États-Unis.
Mais il manque de la part des gouvernements une manifestation de solidarité, point qui est le maillon faible de l’Eurozone depuis longtemps. Toutes les décisions ont été reportées à la prochaine réunion de l’Eurogroupe dans deux semaines. L’option privilégiée est l’activation du mécanisme de stabilité européen (ESM) mais l’assouplissement de ses règles suscite un débat interne entre les pays.
Aux États-Unis en une semaine, 2% de la force de travail s’est retrouvée au chômage. Il y en aura peut-être davantage la semaine prochaine, puis la suivante. C’est du jamais vu dans l’histoire des États-Unis mais hélas la conséquence logique d’une économie qui baisse le rideau dans de nombreux secteurs. Près de 50 millions d’employés sont directement à risque, dans le commerce de détail (17 millions), les loisirs, hôtellerie, restauration (15 millions), les transports (8 millions) et divers autres services. Ce sont typiquement des secteurs où le revenu médian est plus bas que la moyenne nationale et où l’épargne de précaution est faible ou inexistante.
La fermeture de l’économie est le remède, sinon contre le virus, en tout cas contre sa diffusion trop rapide. Dès lors il n’y a pas moyen d’éviter une sévère contraction du PIB et une hausse spectaculaire du chômage.
Les inscriptions au chômage sur la semaine ont atteint 3,3 millions vs 0,282 la semaine précédente, c’est un record historique et le pire est à venir. Le précédent record était de 695K en 1982 et lors de la Grande Récession où 8,7 millions d’emplois avaient été perdus, le pic hebdomadaire avait été de 665K.
De 3,5% de chômeurs à fin février, on devrait passer à 12% à la fin du T2 et avec une reprise réussie à 8% en fin d’année.
Donald Trump se lamente sur le coût de cette crise sanitaire mais la réouverture précoce de l’économie qu’il promet risque d’aggraver le mal plus qu’autre chose. Le rôle des autorités est d’offrir la compensation maximale afin de garder l’économie en état de rebondir vigoureusement lorsque la situation sanitaire rendra possible la levée des mesures de confinement.
A cet égard le programme CARES (Coronavirus Aid, Relief and Economic Securities) accorde une indemnité supplémentaire de 600$ par semaine, plafonnée, aux chômeurs, y compris non salariés, pour supporter les ménages modestes et les couches moyennes. Un chèque de 1200$ par adulte + 500$ par enfant sera envoyé à chaque famille avec des plafonds progressifs à partir du revenu annuel 2019 de 99k$ et jusqu’à un revenu familial de 198K$, ceci pour soutenir la consommation qui représente 70% du PIB américain et qui, selon des chiffres provisoires, a reculé de 5% en mars.
Les indicateurs de sentiment du consommateur publiés en fin de semaine par l’Université du Michigan montrent bien la vitesse de la dégradation du moral des ménages. A 89,1 vs 95,9 dans son estimation préliminaire, l’indicateur se détériore très rapidement dans la 2nde moitié du mois ; Il était à 101 en février. L’Université du Michigan précise que si l’indice se stabilisait sur la collecte des données des 7 dernières journées, ceci impliquerait un nouveau recul de 18,2 points en avril portant le recul à un record de 30,1 sur deux mois.
Les États-Unis se dirigent vers un déficit de 10% du PIB, le double de 2019 et égalant le record de 2009.
Cependant, comme à leur habitude et de dépit de la personnalité de Trump, ils savent réagir très rapidement et sur une grande ampleur. Ils nous montrent l’exemple.
En Chine, on assiste à une amélioration progressive, une augmentation de l’utilisation des capacités de production par la réouverture des usines et leur montée en puissance, la normalisation des trafics routier et ferroviaire, la reprise des constructions d’infrastructure comme celle des ventes d’automobiles, du taux d’occupation des hôtels et des ventes immobilières.
Cette amélioration est graduelle mais à son rythme actuel, toutes les contraintes de circulation et de production devraient être levées à fin avril.
Cependant, l’impact sur les ménages et la consommation pourrait se prolonger bien au-delà d’autant que le ralentissement global va affecter la demande extérieure reçue par les entreprises chinoises.
La vigueur bienvenue des marchés ces derniers jours peut être le reflet de divers facteurs, le principal étant l’impact de la liquidité des banques centrales qui a supprimé l’augmentation des primes de risque dans toutes les catégories d’actif ; parallèlement, le rééquilibrage imminent de fin de trimestre contribue sans doute fortement à l’activité.
Sur la semaine, les marchés clôturent en forte hausse en Europe comme aux États-Unis, avec un Bund en baisse de 15,3bp à -0,48% et un 10 ans US de 11,3bp à 0,73% alors que l’€ s’apprécie face au $.
Sur le Stoxx600, les secteurs qui ont tiré la hausse sont Pétrole & Gaz (+19,4%), Assurance (+15,2%) et Voyages & Loisirs (+10,6%) alors que l’Agro-Alimentaire (-0,2%), les Télécommunications (0,0%) et la Chimie (+1,4%) sont à la traîne.
Semaine de rebond pour les marchés que nos fonds ont suivi, à distance mais faible pour Erasmus Small Cap Euro et FCP Mon PEA, avec de l’avance pour Erasmus Mid Cap Euro. Tous nos fonds depuis le début de l’année font moins mal que leurs indices de référence.
Vente d’Amundi pour FCP Mon PEA, Aymeric pour Erasmus Mid Cap Euro cède Dalata Hotel Group et Eiffage pour acheter Solution 30 et l’autrichien Nemetschek SE et Hugo vend les italiens Faes Farma et Unieuro Spa et introduit en portefeuille l’allemand Aixtron SE.
Bonne semaine à tous,
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion
Lire le point bourse de la semaine dernière : https://www.tanguyfinances.fr/la-bce-restaure-sa-credibilite/