- 14 janvier 2019
- Point bourse
Point Bourse Hebdomadaire du 14 janvier 2019 : 2019 : 2018 à l’envers ?
L’année 2018 avait commencé dans l’optimisme : tout au long de 2017 la croissance mondiale et européenne avait accéléré trimestre après trimestre pour toucher des niveaux qui n’avaient plus été atteints depuis longtemps. Dans le même temps le chômage diminuait vite et les bénéfices des entreprises dépassaient les prévisions pourtant optimistes des analystes.
2019 démarre sur un pied inverse : les prévisions de croissance et de résultats sont révisés vers le bas depuis 6 mois et les indicateurs anticipés nous promettent un 1er semestre au minimum morose.
Mais s’il convient aujourd’hui de conserver une exposition prudente, nous savons aussi qu’il suffit de peu d’éléments positifs pour qu’une bascule vers plus d’optimisme s’installe chez les dirigeants d’entreprise et sur les marchés.
Ainsi, malgré des élections européennes qui s’annoncent très décevantes, nous ne perdons pas espoir qu’un accord commercial États-Unis/Chine et qu’une sortie honorable de l’impasse Brexit redonnent au fil des mois du tonus à l’investissement, à la croissance et aux résultats des entreprises, comme au moral des ménages.
L’enquête mensuelle de la Commission Européenne sur la confiance des entreprises et des ménages (ESI, Economic Sentiment Indicator), qui est constituée pour 40% de la confiance des entreprises industrielles, pour 30% de celle du secteur des services, pour 20% de celle des consommateurs, pour 5% de celle du secteur de la distribution et pour 5% de celle du secteur de la construction, recule en décembre pour le 12ème mois consécutif. Elle est cohérente avec les enquêtes PMI.
C’est un retrait quasi général puisque seule la composante distribution est stable en décembre et que le mouvement est identique dans les 4 principaux pays de la zone, Allemagne, France, Italie et Espagne, ce qui écarte les raisons spécifiques (gilets jaunes).
L’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages de l’INSEE pour décembre transmet le même message : la confiance des ménages chute de nouveau en France. L’indicateur qui la synthétise perd 4 points et atteint 87, son plus bas niveau depuis novembre 2014 et bien au-dessous de sa moyenne de longue période ; la proportion des ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants diminue et perd 15 points, elle atteint son plus bas niveau depuis juin 2013. Les ménages estiment que leur situation financière future se dégrade (-3pts) et leur opinion sur leur capacité d’épargne diminue fortement (-5pts), celle correspondant à la capacité d’épargne future perd même 7 points.
Pour autant les craintes des ménages concernant l’évolution du chômage augmentent peu et demeurent légèrement en-dessous de leur moyenne, l’inflation anticipée est de nouveau en baisse.
Dans ce contexte, les prévisions de croissance ne cessent d’être révisées à la baisse. En décembre la Deutsche Bank avait révisé les siennes pour l’Eurozone en 2019 de 1,7% à 1,4% compte tenu de la faiblesse de la demande étrangère. Pour refléter la détérioration de l’environnement externe qui met en péril la résilience domestique et les stimuli fiscaux, elle abaisse à nouveau celle-ci à 1,2%. A ce niveau la prévision est 1% en-dessous de celle de la BCE qui paraît de moins en moins crédible, elle renforce la probabilité de nouveaux TLTRO en 2019 et repousse tout resserrement monétaire vers 2020.
Capital Economics fait un mouvement encore plus radical en révisant sa prévision pour l’Eurozone à 1% pour 2019 et 0,8% pour 2020 ; à la baisse aussi les attentes d’inflation : 1% pour 2019 et 1,2% pour 2020. Les arguments : détérioration de la consommation des ménages, détérioration des perspectives des entreprises et doutes sur le fait qu’un accord États-Unis/Chine conduise à un arrêt définitif du conflit commercial et enfin des raisons spécifiques pays telles automobile pour l’Allemagne, budget italien fantaisiste ou « gilets jaunes » pour la France.
Là encore l’éloignement des objectifs d’inflation conduirait la BCE à sursoir à toute hausse de ses taux directeurs et rapprocherait sa politique de celle de la Bank of Japan. Selon Capital Economics, Allemagne et Italie devraient être en situation technique de récession puisqu’après un T3 négatif le T4 devrait l’être aussi. Dès lors les deux trimestres consécutifs de recul du PIB signaleraient la récession.
La France est moins touchée que ses deux partenaires : PIB 2019 +1,2% et pour 2020 1% avec une inflation de +1% et +1,2%, pour l’Allemagne PIB +1% et +1% avec une inflation de +1% et +1,3% et pour l’Italie PIB 0% et -0,5% avec une inflation de +0,8% et +0,5%.
Aux États-Unis, l’ISM des services a reculé plus qu’attendu en décembre à 57,6 vs 60,7 en novembre, confirmant la modération de la croissance. Ce ralentissement est largement répandu puisque 8 des 10 sous composants sont en retrait.
L’ISM des services, compte tenu de sa moindre exposition à l’économie globale, continue et devrait continuer de surperformer l’ISM manufacturier. Les commentaires des répondants suggèrent que la demande demeure solide, leurs préoccupations principales restent les mêmes : le manque de personnel qualifié et la guerre commerciale.
L’optimisme des petites entreprises (NFIB, National Federation of Independent Business) recule aussi en décembre à 104,4 vs 104,8, comme les autres indicateurs de ce type il reflète un ralentissement du momentum de la croissance économique tout en restant dans les niveaux élevés des deux dernières années. Si les perspectives d’embauches restent élevées, celles d’investissement enregistrent un recul significatif.
Le NFIB et les autres indicateurs de sentiment ne sont pas homogènes suivant les secteurs. Le manufacturier et la construction ne sont plus à des niveaux historiques élevés, reflétant le ralentissement de la croissance globale (notamment de la Chine), les taxes, les bas prix de l’énergie et la force du $. L’enquête de l’association des promoteurs reflète des facteurs spécifiques qui pèsent sur le secteur : terrains, main d’œuvre et taux d’intérêt. Mais au contraire la consommation, les services et les PMI/PME qui sont moins exposés à l’économie globale et plus à l’économie domestique demeurent à des niveaux élevés.
Tout ceci pourrait conduire en 2019 à un très soft landing, la croissance passant de 2,9% en 2018 à une fourchette de 2%/2,5%.
Selon EPFR Global les flux enregistrent une amélioration sur la dernière semaine. Les actions voient leur plus haut niveau de souscription depuis 11 semaines et les obligations depuis 39 semaines.
Dans le détail, les émergents progressent le plus, notamment le Brésil et la Russie. Les États-Unis et l’Europe restent stables alors que le Japon et l’international collectent.
Sur la semaine, les marchés sont en hausse avec le S&P500 à +4,02%, le NASDAQ à +5,33%, l’Eurostoxx50 à +0,9% et le CAC40 à +1,07%. Ce mouvement s’explique par la reprise des discussions commerciales entre les États-Unis et la Chine qui ont alimenté les espoirs d’un accord et la publication des minutes de la dernière réunion de la Fed qui ont montré un ton plus colombe, beaucoup de membres du FOMC pourraient être patients quant à la future hausse des taux.
Le secteur Technologie (+4,1%) affiche la meilleure performance de la semaine sur le Stoxx600 suite à l’apaisement des tensions commerciales et des relèvements de recommandations (AMS AG +23%, Ubisoft Entertainment +13,3%, STMicroelectronics +12,6% et Altran +11,9%). A contrario le secteur Télécommunications (-2%) est pénalisé par 1&1 Drillisch (-15,4%) et Telefonica Deutschland (-6,2%).
Bon comportement de nos fonds depuis le début de l’année : ils sont tous en avance sur leurs benchmarks et parfois largement (Erasmus Small Cap Euro 3,36% d’avance !) avec des performances à la mesure des déceptions de l’an dernier (Erasmus Micro Cap Euro +9,15% et Erasmus Small Cap Euro +8,78%).
Davantage de mouvements dans les fonds cette semaine, six membres de notre équipe ayant participé au forum organisé par Oddo à Lyon. Chacun a rencontré une quinzaine d’entreprises et retenu quelques idées.
Le consensus des prévisions bénéficiaires JCF/Factset sur le Stoxx600 européen est toujours révisé à la baisse, -0,4% et -1,2% sur 2018 et 2019 sur un mois, -1,1% et -2,8% sur trois mois, ce qui porte la croissance attendue à +7,7% pour 2018 et +8,1% pour 2019. Il en est de même pour le S&P500 américain, -1,1% et -2,3% sur un mois pour 2018 et 2019, -0,5% et -4% sur trois mois qui portent la croissance annuelle attendue à +17,4% pour 2018 et à +5,1% pour 2019.
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion