- 14 mai 2018
- Point bourse
Point bourse Hebdomadaire du 14 mai 2018 : Ce qui a changé
Depuis le 5 février et la publication d’un rapport sur l’emploi américain faisant état d’un risque d’inflation salariale, la dynamique des marchés a changé. Dans un premier temps, c’est la correction qui l’a emporté, et elle a touché plus particulièrement les marchés de taux et les secteurs qui avaient le plus progressé au cours des mois précédents. Dans un second temps les marchés retrouvent aujourd’hui leurs plus hauts de janvier malgré des taux plus élevés qu’alors. Un grand changement est cependant intervenu : ce ne sont pas les mêmes pays qui entraînent la hausse, certains pays émergents étant en fort recul, ni les mêmes secteurs au sein des pays développés.
Tout cela parce que le risque est de retour depuis février. Et le fait que Donald Trump ait dénoncé cette semaine l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran ajoute un nouvel élément à la liste des risques qui sont devant nous : l’inflation toujours et les taux, la géopolitique (Corée du Nord, Moyen-Orient, Iran maintenant), la remise en cause du libre échange et des accords commerciaux internationaux par le président américain. Au pire, tout ceci pourrait dégénérer en un mix toxique enrayant la reprise économique globale. Ce n’est pas la conclusion de nos analyses mais le risque existe.
Qu’est-ce qui a changé ?
1) Après une année 2017 au cours de laquelle Trump a fait preuve de retenue, et même aidé les marchés par des mesures de dérégulation et une réforme fiscale pro business, il reprend en 2018 la rhétorique très agressive de sa campagne électorale de 2016 sur le commerce et la géopolitique.
2) Les tensions commerciales affectent le plus les pays dépendants du commerce extérieur : Eurozone en général et Allemagne en particulier. Cette crainte peut freiner l’investissement dans les pays les plus affectés alors qu’aux États-Unis elle est plus que compensée par le stimulus fiscal.
3) Devant ce changement, les investisseurs qui s’étaient éloignés des valeurs refuges en 2017 y retournent : le $ enregistre un rebond encore modeste et les Bunds allemands montent à peine malgré la hausse des Treasuries.
4) Les marchés émergents sont atteints par la hausse des taux d’intérêts américains et la reprise du $. Les difficultés graves de certains d’entre eux (Argentine) ajoutent à la perception d’une dégradation de la situation globale qui entraîne des sorties massives.
5) Cela se traduit par la reprise boursière des secteurs défensifs et/ou à forte visibilité.
Le risque géopolitique.
L’approche agressive du président américain n’est pas sans risques sérieux : l’abandon de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran peut déstabiliser un peu plus une région sous la menace permanente de conflits, réduire la crédibilité des États-Unis comme partenaire fiable et constituer une nouvelle épine dans la relation États-Unis –Europe poussant celle-ci à se rapprocher davantage des pays émergents : Chine, Inde voire Russie en embuscade. Les conséquences à moyen terme pourraient dès lors être considérables.
Pour le moment l’impact économique de ces décisions reste faible : l’Iran n’est pas encore redevenu un acteur important sur les marchés pétroliers et une hausse supplémentaire de 5$ le baril n’aurait sans doute pas plus de 0,1 à 0,15% d’impact négatif sur la croissance globale sauf à ce qu’États-Unis et Arabie Saoudite puissent et veuillent augmenter fortement leur production.
Risque n°1 : la confrontation commerciale.
Jusqu’à présent les restrictions imposées par les taxes sur les importations décidées par Donald Trump ne sont pas encore appliquées et sont bien trop modestes pour avoir beaucoup de conséquences sur les perspectives économiques. En prenant en compte les mesures de rétorsion prises par la Chine et l’Union Européenne, l’impact au maximum pourrait être de -0,2—0,3% du PIB global, ajoutant le même pourcentage à l’inflation globale. C’est gérable. Mais le vrai risque est l’indécision que ces décisions créent sur le devenir des relations commerciales internationales comme le Brexit affecte déjà l’économie britannique alors que le Royaume-Uni n’a pas encore quitté le marché unique européen.
Conclusion.
Tout ceci ne doit pas nous faire oublier que les fondamentaux économiques globaux restent encourageants. Ni les États-Unis, ni l’Europe ou le Japon n’ont développé des situations dans le domaine de l’investissement, de la dette ou de l’inflation qui justifient un ajustement par une récession au cours des 2 ou 3 prochaines années.
Aux États-Unis et dans certains pays européens des réformes favorables à la croissance et renforçant la politique de l’offre viennent même d’être mises en place.
A ce stade, les tensions évoquées ci-dessus peuvent causer un bip d’un ou deux trimestres sur la croissance en Europe mais pas aux États-Unis grâce au stimulus fiscal.
On peut aussi espérer encore que la Chine, l’Europe et les États-Unis arrivent à s’entendre et parviennent à de nouveaux accords. De même l’impact final des décisions américaines vis à vis de l’Iran est encore incertain.
Notre analyse est que la croissance globale a suffisamment de force et de solidité pour traverser ce moment d’incertitudes et rebondir ensuite.
Les chiffres européens de la semaine montrent d’ailleurs des éléments de résistance.
Les indicateurs Sentix pour l’Eurozone sont quasi stables : l’indice global 19,2 vs 19,6 reste donc largement positif grâce à la situation actuelle 42,8 vs 43 si les perspectives se dégradent un peu -2 vs -1,5. La situation de l’Allemagne est stable sur les perspectives -7,8 vs -7,8 mais on voit bien là les craintes des exportateurs allemands, alors que la situation actuelle, 59,8 vs 62, est toujours à des niveaux très élevés.
Pour les autres parties du monde, les indices Asie hors Japon et États-Unis progressent en mai vs avril ainsi que l’indice global.
Autre élément positif : la reprise de l’investissement en Eurozone. L’enquête de février 2018 montre 30% d’intention d’investissement vs 20% en août 2017, recul de l’Allemagne à 14% vs 27% mais progression en France 27% vs 24% et bond en Espagne 39% vs 19% et en Italie 40% vs 11%.
Aux États-Unis l’enquête JOLTS (Job Openings and Labour Turnover Survey), outil utilisé par la Fed pour mesurer la situation de l’emploi, montre une nouvelle amélioration de la situation avec une progression de 472 000 des offres d’emplois à 6,6 millions au plus haut des 17 années d’existence de cette enquête.
Les démissions sont au plus haut depuis 2001, ce qui reflète la confiance, la facilité de trouver du travail et des pressions à la hausse sur les salaires. Par contre, les embauches sont stables car les entreprises ont du mal à trouver des candidats qualifiés.
Les tensions sur le marché du travail sont évidentes : l’enquête de la NFIB (National Federation of Independant Businesses) montre que les difficultés de recrutement sont le premier problème des petites entreprises aujourd’hui, le nombre des demandeurs d’emplois par rapport aux postes offerts est au plus bas depuis 2001 et les offres d’emplois augmentent plus vite que les embauches depuis deux ans.
Ces analyses sont confortées par la Fed dans son Beige Book (synthèse des analyses des Fed régionales) :
« Le marché du travail à travers le pays reste tendu, limitant les créations de postes dans les régions. Nous continuons à observer les difficultés à trouver des candidats qualifiés dans de nombreux secteurs et à des niveaux variés de compétences. Les rapports sur le manque de candidats dans la dernière période concernent principalement les postes les plus qualifiés, dans l’ingénierie, les technologies de l’information, la santé, aussi bien que dans la construction et les transports. Les entreprises réagissent à cette situation de plusieurs façons, depuis les augmentations de salaires à la formation ou en faisant faire des heures supplémentaires ou encore en faisant des investissements de productivité. »
Exane a publié une analyse sur les 45% des sociétés couvertes qui ont déjà publié leurs chiffres du T1. Parmi ces entreprises, 47% ont publié des résultats au-dessus des attentes, 28% en dessous et 26% en ligne. Les secteurs avec les pourcentages de résultats au-dessus des attentes les plus élevés sont Aerospace & Defence et Luxe. A l’inverse, les secteurs qui ont le plus déçu sont : Construction, Food & HPC et Assurance.
Parmi les sociétés qui ont donné une guidance, seules 13% ont revu leurs attentes à la hausse alors que 16% ont communiqué des perspectives plus faibles.
On notera donc qu’une très grande majorité des entreprises (71%) ont réitéré leurs guidances. Ce chiffre est élevé dans un contexte historique.
En termes de perspectives, le secteur qui a été le plus rassurant est l’acier (ça ne se voit malheureusement pas dans le cours de Derichebourg, FCP Mon PEA et Erasmus Small Cap Euro). A l’inverse, c’est au sein du secteur bancaire que la plus forte proportion de révisions à la baisse des perspectives est la plus importante (nous sommes sous pondérés).
Si la saison des résultats du T1 aux États-Unis peut être qualifiée de solide avec 76% des sociétés qui ont publié des chiffres supérieurs aux attentes, en Europe nous continuons sur la tendance observée au cours des derniers trimestres : les chiffres sont en ligne mais rien d’exceptionnel. Les attentes du consensus sont globalement stables sur trois mois (-0,1% sur 2018 et +0,1% sur 2019) mais en hausse sur un mois (+0,6% sur 2018 et +0,4% sur 2019). L’effet devises est manifeste sur ces publications, il devrait s’atténuer de trimestre en trimestre compte tenu de l’effet de base 2017.
Cette semaine nos fonds Erasmus Micro Cap Euro et Erasmus Small Cap Euro sont en ligne avec leurs indices de référence, Erasmus Mid Cap Euro fait un peu moins bien et FCP Mon PEA un peu mieux. Pas de mouvements à signaler sur les actions mais Erasmus Capital + a cédé deux obligations (Arkéa 2018 et Direct Energie 2019) pour préparer de nouveaux investissements.
Selon le consensus des prévisions bénéficiaires JCF/FactSet sur le Stoxx600 européen, la croissance attendue est de +8,1% pour 2018 et de +8,9% pour 2019. Aux États-Unis et pour le S&P500, la croissance annuelle 2018 est attendue à +17,5% et à +8,1% pour 2019.
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion