- 3 juin 2019
- Point bourse
Point Bourse Hebdomadaire du 3 juin 2019 : A qui le tour ?
Chine, Union Européenne, Mexique, quel est le suivant sur la liste ?
Nous n’avons pas la réponse mais très logiquement ces nouvelles négatives sur les fronts diplomatiques et commerciaux ont fait chuter les marchés. Le recul de 6% en mai est entièrement attribuable à Mr Trump.
En début d’année, l’attention des investisseurs était capté par la politique accommodante des banques centrales, la faiblesse de l’inflation, la force du marché du travail dans les différentes parties du monde et des prévisions de progression correcte des résultats des entreprises. Aujourd’hui se sont les perspectives dégradées de la croissance mondiale et les risques qu’elle encourt dans les prochains trimestres qui focalisent les réflexions.
Le commerce international est d’une importance cruciale pour la croissance globale et les dernières nouvelles sont clairement négatives. Les PMI manufacturiers américains et chinois enregistrent un fort recul. Et les mesures de rétorsion en réponse aux sanctions américaines contre Huawei Technologies ajoutent aux incertitudes.
Sur un autre front, Mr Trump menace le Mexique de taxes sur ses exportations afin de l’obliger à stopper le flux de familles d’Amérique Centrale cherchant à entrer aux États-Unis. Ces menaces ajoutent aux incertitudes et peuvent entraîner d’importantes disruptions dans les processus de production de nombreuses entreprises. Le Mexique est le 3ème partenaire commercial des États-Unis après la Chine et le Canada, avec 16% de ses exportations (276 milliards$) et 14% de ses importations (374 milliards $). 79% des exportations du Mexique vont vers les États-Unis et 46% de ses importations en proviennent.
Selon l’US Census Bureau, 71% des importations américaines sont des produits semi-finis ainsi que 42% de ses exportations, des transactions « related parties », c’est à dire à l’intérieur d’un groupe et d’un cycle de production. Ceci souligne l’importance pour les États-Unis et le Mexique de ces processus de production intégrés.
Si elles sont imposées, ces taxes retomberont non seulement sur le consommateur américain, comme les taxes sur les produits chinois, mais aussi sur la chaîne de production manufacturière et l’emploi industriel.
Ceci, dans une réflexion cartésienne, qui n’est peut-être pas celle du président Trump, amène à penser qu’américains et mexicains se mettront rapidement d’accord sur des procédures permettant de mieux gérer les flux de réfugiés latinos et qu’en conséquence l’imposition de taxes sera limitée dans le temps et dans ses effets.
Les négociations avec la Chine se placent dans un autre contexte : celui du leadership mondial. La Chine a été la force motrice de la croissance globale, son ralentissement actuel a de profonds effets sur ses principaux partenaires commerciaux : Japon, Corée du Sud et le reste de l’Asie, Allemagne ou Brésil. La production industrielle et les exportations de ces pays sont sérieusement affectées.
Il est à craindre que même si un accord est trouvé et permet de sortir de l’impasse actuelle la Chine d’après ne ressemblera pas à la Chine d’avant. Les stimuli, monétaire et fiscal, mis en place par le gouvernement favorisent la consommation domestique, ce qui est par ailleurs une raison de la présence de LVMH, Kering, Hermès, L’Oréal ou Seb dans nos portefeuilles, mais le rebond des exportations chinoises serait contraint par une croissance mondiale ralentie.
Les États-Unis et la Chine sont les deux superpuissances économiques mondiales, potentiellement l’innovation technologique et leurs avancées diplomatiques auront un rôle important sur leur place dans le monde de demain. Tous deux bénéficient aujourd’hui de façon significative de leur commerce bilatéral de biens, de services et de technologies et seraient gagnant à trouver un accord.
Cependant, trouver un agrément sur les questions de cyber sécurité, internet et les investissements chinois à l’étranger sera difficile. La Chine ne veut pas abandonner les avantages qui lui ont permis une transition si rapide d’un pays de grande pauvreté à celle d’une superpuissance mondiale et l’administration Trump fera tout pour s’y opposer. Il faut d’ailleurs noter qu’en dépit des tensions politiques exacerbées aux États-Unis, les démocrates approuvent la plupart des objectifs poursuivis par Trump quant aux relations entre les deux pays.
Les autres événements et publications de la semaine sont à juste titre passés au second plan.
La Commission Européenne a publié son indicateur de sentiment économique (ESI) : en recul depuis juin dernier il remonte enfin un peu en mai à 105,1 vs 103,9. C’est une reprise quasi générale, ménages -6,5 vs -7,3, industrie -2,9 vs -4,3, services +12,2 vs +11,8 mais commerce -1,2 vs -1,1. Au niveau pays, l’indicateur enregistre un fort rebond pour la France 104,8 vs 100,8 qui retrouve les niveaux précédent l’épisode « gilets jaunes », et un plus modeste pour l’Allemagne 105,5 vs 105,1 et l’Italie101,7 vs 100,0.
L’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages de l’INSEE confirme l’amélioration française : l’indicateur qui la synthétise gagne 3 points à 99 et retrouve quasiment sa moyenne de long terme (100).
Les ménagent notent une nette amélioration de leur situation financière passée et future, désormais au-dessus de leurs moyennes, de même la capacité d’épargne s’améliore légèrement. Les ménages sont plus nombreux à considérer que le niveau de vie en France s’est amélioré au cours des 12 derniers mois, les craintes concernant l’évolution du chômage baissent nettement et l’inflation perçue et anticipée, faible, recule un peu plus.
Aux États-Unis, les indicateurs continuent à être contradictoires.
Le Chicago Fed reflète une activité à son plus bas niveau depuis 3 ans. Il rejoint le Markit PMI également au plus bas depuis 3 ans avec sa composante manufacturière au plus bas depuis septembre 2009 avec les nouvelles commandes, les commandes à l’export, la production et l’emploi qui se dégradent.
Pour TS Lombard, ces données suggèrent que le PIB des T2 et T3 seront inférieurs à 1% annualisés. TS Lombard note que des indicateurs plus spécifiques confirment ce ralentissement : les commandes de biens d’équipement hors aéronautique et défense, le transport de containers par train, bien inférieur à celui de l’an dernier et qui rejoint celui de 2017 et celui des biens manufacturiers et de construction sous ses niveaux de 2018 et 2017.
Ceci est confirmé aussi par le niveau des profits des entreprises, comptabilité nationale et non sociétés cotées uniquement, qui recule au T1, notamment en raison d’un recul de l’investissement non résidentiel.
Cependant d’autres indicateurs restent positifs comme la confiance du consommateur mesurée par le Conference Board à 134,1 en mai vs 129,2 en avril et 124,2 en mars. L’amélioration porte tant sur la situation actuelle (175,2 vs 169) que sur les anticipations (106,6 vs 102,7). Le sous indice mesurant la difficulté à trouver un emploi est tombé à 10,9 en mai contre 13,3 en avril, au plus bas depuis septembre 2000.
La hausse des prix immobiliers mesurée par l’indice Case-Shiller dans les 20 plus importantes agglomérations américaines ralentit en mai à +2,7ù sur un an.
Si, les marchés ont connu une semaine difficile, les prévisions de bénéfices des analystes établies par IBES sont en amélioration ;
L’Earnings Revision Ratio qui mesure la proportion des révisions à la hausse par rapport aux révisions à la baisse, se redresse dans beaucoup de zones géographiques : sur 3 mois, Monde 0,74 vs 0,61, Asie ex Japon 0,59 vs 0,58, Emerging Markets 0,60 vs 0,61, USA 1,19 vs 0,77, Europe 0,76 vs 0,49 et Japon 0,67 vs 0,53.
Dans le détail pour l’Europe : Grande-Bretagne 0,65 vs 0,44, France 0,94 vs 0,52, Allemagne 0,66 vs 0,39, Suisse 0,66 vs 0,35, Pays-Bas 0,68 vs 1,00, Espagne 0,79 vs 0,58, Italie 1,00 vs 0,64 et Danemark 0,67 vs 0,52.
Forte baisse des marchés donc et pour la 2ème semaine : S&P500-2,6%, Nasdaq -2,4%, Stoxx600 -1,8%, EuroStoxx50 -2,1%, CAC40 -2%, Dax -2,4%, Nikkei -2,4% et Shanghaï SE +1,6%. Les taux reculent aussi, le Bund est en baisse de 8,6 bp à -0,20% et le 10 ans US de 20,5bp 2,12%, ceci avec un baril de Brent qui baisse de 10% (61,99$) !
Au sein du Stoxx600, seuls les secteurs Télécommunication (+0,5%) et Médias (+0,4%) progressent, Banques (-2,6%), Santé (-2,5%) et Matériaux de base (-2,5%) sont en fort recul.
Jean-François GILLES
Président du Directoire d’Erasmus Gestion